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L'homme immobile

By Rasha Hussein


Dans un instant connu de tous, survolant le temps et les espoirs, nous rencontrons un être aux rides prononcées qui n'a point l'air de l'apprécier. Nous lui avions donné la Lune, et il en est revenu bredouille. Nous lui avions donné les fleurs, et il n'a su les faire fleurir. Nous lui avions donné des paysages aussi majestueux qu'effrayants, et il en a voulu à Dieu, comme c'était déroutant.

Jamais il ne voulait, et jamais il ne voudra. Un être détestable, comme le connaissent les voisins d'en bas. Aussi cruel que ridé, il n'avait guère envie de continuer à les côtoyer, ses semblables. Il n'arrivait plus à les regarder et même s'il le pouvait, il ne l'aurait jamais fait. Pourquoi tant de rancœur ? ils demandent. Dieu seul sait, qu'on leur dit.

Un jour funeste, il s'est regardé. Il ne savait pas quoi dire à ce reflet mensonger qui le regardait, aussi déçu qu'il ne l'était. Ce jour-là, pourtant, il ne bougeait guère, comme avant et comme toujours. Mais il voyait ces êtres passés, lui jetant un regard, puis le détourner. Il était assis, comme toujours, à la place d'honneur qu'ils appelaient, à celle du fond qu'il appelait. Ils mangeaient et riaient, et lui ne disait ni ne parlait. Ses yeux, rouges des douleurs cachées dans la nuit, se faufilaient entre ces âmes faussement heureuses de le voir en vie, ou ici. 

Une pression s'exerçait sur ces gens d'une même tribu. Être compatissant pour lui détournait toutes valeurs apprises. Son comportement défensif n'alimentait qu'une haine encore passive. Une rage bien cachée sous ce visage inexpressif et placide. Sans émotions, que par les yeux, rouges du sang qui bougeait davantage que son être, il regardait les passants de connaissances infructueuses qu'il avait faites. Il regrette de les avoir connus, plus que l'incident qui l'a pourvu. Les faux sourires face à son manque. N'était-il pas dans un cercueil ? vous demandez. Cela ne ferait-il pas plus de sens ? je le concède. 

Mais il est pris dans une prison dont le gardien est sa propre descendante, le gardant en vie, alors qu'il devrait mourir. Le tueur silencieux ne vient que tard dans la vie de l'immortel. Ne serait-ce plutôt de l'immobile ? Et toute personne ayant vécu n'a jamais su le raconter comme le corps de ce vieillard. Il était si grand, dit-on. Il était si beau. Ils parlent de cet homme comme d'un mort, mais qu'en est-il de la différence si même lui ne la voit pas ? Un cadavre étouffé par l'air qui s'engouffre dans ses poumons noirs de jalousie fassent à leurs semblables. Un cœur attaché à son battement par l'intermédiaire d'une machine. Un foie qui a perdu toutes croyances et qui maintenant supplie pour plus de substances. Les médicaments n'ont jamais aidé cet homme enragé de la fièvre. Les médecins n'aimeraient que l'aide à mourir comme trêve. 

Juger n'a jamais été un point fort, mais pour lui, les impressions comptent. Ses yeux dansant sur la table abondante qu'il ne pourra jamais toucher de sa main délabrée. Ses pieds ne frôleront jamais le plancher. On se demande bien ce qu'il a bien pu apporter, à part un sentiment de gêne et de malaise face au relai de sa génération. Sa frustration n'aura apporté qu'à lui et, malgré cela, il ne le regrette pas. Comme c'est fou. Comme c'est fou.

Il ne se relèvera pas. Il ne parlera pas. Il ne bougera pas. Bientôt, son souffle s'envolera et ses urines déferleront. Bientôt, son dernier mouvement arrivera. Son cœur lâchera. Bientôt, il verra la beauté de ces paysages. Les fleurs s'ouvrirent à son départ. La Lune le flattera alors qu'il vogue vers les étoiles.Peut-être sera-t-il compatissant comme l'ont été obligés ses descendants. Peut-être que sa gardienne verra le positif de la situation, comme le reste des passants.Et ce jour funeste où son reflet le dégoutait, ce fauteuil roulant qui le suivait, ce visage tombant ridé par le temps. Peut-être partira-t-il enfin avec ses propres convictions, laissant pour morte toute rage au volant.


By Rasha Hussein


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